La nouvelle s’enflammait comme une trainée de poudre. Outre sa blessure qui l’avait éloigné pratiquement un mois du terrain, les entrainements se faisaient sans elle depuis maintenant près de deux semaines. Totalement, n’y assistant même plus comme ça avait été le cas durant sa convalescence. Cela devenait donc de plus en plus concret pour le tout Poudlard sportif. Elle n’aurait pas pensé que cette simple démission puisse prendre autant d’ampleur… Elle n’était qu’une poursuiveuse de l’équipe cadet, une parmi d’autres, et n’était pas la plus populaire de l’école non plus. Elle ne se sentait pas remarquable, et ce depuis l’enfance. Le quidditch ne l’avait pas fait changer d’avis sur ce point, et elle n’avait jamais eu conscience de son rayonnement dans sa maison.

Oh, un rien pouvait étonner la blondinette quand il s’agissait d’elle-même, et les quelques personnes étant venu lui faire part de leurs regrets de la voir quitter l’équipe ou de leur soutien malgré l’abandon l’avaient touché. Jamais elle n’aurai pu penser avoir tant… tant de quoi ? Admirateurs ? Fans ? Soutiens ? C’était à la fois étrange, et totalement effrayant pour la timide enfant. Si elle avait pu se fondre dans un mur quand un type de l’équipe universitaire était venu lui dire qu’il était dommage qu’elle ne joue plus avec Serdaigle… Elle l’aurait fait surement plus vite que son ombre ! Elle n’était pas habitué à cela, et à vrai dire ça la dérangeait beaucoup, même si au fond c’était plaisant d’être reconnu pour soi, et non pour le charisme de sa soeur jumelle.

Quoiqu’il en soit, la rumeur se tasserait lentement, attendant surement qu’une autre prenne le dessus, et Lidwine avait l’impression d’avoir fait le bon choix. La pression qui l’étraignait il y avait à peine deux mois s’était considérablement amoindri. Elle était sur la bonne voie. N’est-ce pas ? Avançant tranquillement dans un couloir en compagnie de quelques fidèles amies, ce fut un regard sur elle qui la fit douter une fraction de seconde. Zane. Ils ne se parlaient plus vraiment depuis… Septembre ? Aout ? Il lui manquait mais elle n’avait pas le courage de faire le premier pas. Pas encore. Elle n’était pas encore si forte, même si elle y travaillait.

Passant près de lui, elle le salua discrètement tout en suivant les deux brunes qui s’étaient lancées dans un débat sur un chanteur que Lid n’avait pas en tête. L’ignorer, elle ne pouvait pas non plus le faire. Ils étaient encore amis… n’est-ce pas ? Tout ça pour une bêtise... Un petit sourire puis elle reporta ses prunelles sur son trajet, droit devant elle.

Oui, Zane était surement la personne la plus à même de la faire douter de son choix. Il était même fort à parier qu’elle ne saurait pas affirmer sa volonté s’il insistait un peu… pourtant elle n’était pas du genre à prendre de décisions impulsives ou à la légère. Elle pesait toujours le pour et le contre, pour tout. Surtout quand cela impliquait d’autres personnes, touchaient certains sentiments ou pouvait changer le regard des autres sur elle. Autant dire qu’arrêter le quidditch entrait clairement dans tous ces critères. Et qu’elle avait donc passé de longues semaines, les nuits agitées à ressasser tout cela. Elle en avait parlé à Kiriena, à James… Et pourtant, un simple regard de son autre meilleur ami la fit douter instantanément. Il était la source de son attrait pour ce sport, et y serait toujours lié pour elle. Plus que tout autre, il était la voix suprême quand ça concernait un vol en balai, n’en déplaise parfois à James.

Elle tressaillit quand il l’interpella, après tous ces mois sans vraiment se parler. Fallait donc qu’elle arrête le quidditch pour qu’ils se reparlent ? Entendre sa voix si familière lui pinça le coeur un infime instant, et elle s’immobilisa immédiatement. Elle douta oui, mais l’hésitation ne concernait pas son envie de lui répondre affirmativement. Elle avait peur de ce qu’il pourrait lui dire… Il ne fallait pas être sorcier -sic- pour savoir ce qui pouvait l’avoir décidé à briser cette limite qu’ils s’étaient mis… Elle se retourna vers lui, et croisa son regard toujours si intense. Arf. « Oui, bien sur… confirma-t-elle de sa petite voix fluette, en remettant une mêche de cheveux derrière son oreille droite. Elle baissa une seconde les yeux, avec un sourire gêné avant de se souvenir de ses amies qui s’étaient elles aussi arrêtées. Allez-y, je vous rejoins plus tard… » rajouta la serdaigle à leur attention. Oh, les deux connaissaient Zane et le lien que leur camarade de classe avait avec lui… même si elles auraient volontiers imaginé plus qu’il n’y avait réellement. N’est-ce pas ?

Le silence s’installa quelques secondes après que les deux septièmes années ai tourné le dos, non sans un clin d’oeil embarassant de la brune. Humm, Lidwine la retenait ! Johanna aimait la taquiner et ne s’en privait jamais bien évidemment. Aussi la blondinette avait légèrement rougit, pathétique. Bref… Elle leva les yeux vers son ami dans l’attention de s’enquérir de la raison de cette entrevue qu’elle devinait. « Tu voulais me parler de quoi ? » enonça-t-elle assez innocemment, avec une pointe d’assurance, se surprenant elle-même. Se disant, elle remarqua un groupe arrivant dans le couloir et se mit naturellement en retrait, pour les laisser passer. Elle restait quelque part toujours la même.

Il y avait cette distance polie entre eux, une distance dont ni l’un ni l’autre ne semblait savoir que faire. Ce n’était pas habituel. Elle était là, plantée face à lui et ne savait que faire vraiment de ses mains. Bien entendu, on ne pouvait pas dire qu’elle se comportait avec lui comme avec un inconnu, mais c’était différent. Y’avait une gêne. Son regard capta ce léger geste avorté bien vite, son esprit ne put s’empêcher de l’interpréter comme cela. Zane ne semblait pas plus à l’aise qu’elle même. Cela se voyait sur son visage, quand on le connaissait. Pourtant, ce n’aurait pas été si étrange que ça qu’il l’entraine à sa suite plutôt que de lui demander s’ils seraient pas mieux plus au calme. Avant ça aurait coulé de source qu’elle l’aurait suivie.

A la place de quoi il lui demanda une forme d’assentiment de sa part avant de se diriger un peu à l’écart. Elle acquiesça et ils se dirigèrent tous les deux en silence vers les marches d’un escalier dont la fréquentation semblait plus rare. Comment en étaient-ils arrivés là, se demanda la serdaigle en le regardant s’asseoir. A nouveau ce petit pincement désagreable au coeur. Elle comprenait à quel point leur amitié s’était distandue. Elle ne tarda pas à l’imiter, en se positionnant à ses côtés. Proche, mais pas autant qu’avant peut-être. Un petit air triste s’était peint sur ses traits sans qu’elle en ai vraiment conscience et elle n’eut pas le temps de tourner la tête que deja il posait LA question qu’elle redoutait.

« Oui, se contenta-t-elle de répondre dans un murmure sans oser le regarder. Une moue se fixa sur ses lèvres avant de reprendre en remettant sa mèche de cheveux derrière l’oreille, signe d’anxieté chez elle. Parce que… parce que, répéta-t-elle plus bas. Et voilà, elle le savait qu’elle aurait du mal à affirmer ses convictions alors même qu’il n’avait fait que lui poser la question. Et même si le ton de Zane n’était pas reprobateur, elle se montait déjà le bourrichon en imaginant sa déception, voir son jugement envers elle. Je… »

Heureusement, quelques mois n’avaient pas du totalement lui faire oublier à quel point elle avait parfois besoin de temps pour se livrer… quelques secondes pour choisir ses mots, les mots les plus justes possible. « En fait, depuis quelques mois, je n’arrive plus à y prendre du plaisir. Ni aux entrainements, ni à la compétition... Elle marqua une petite pause de quelques secondes sans pouvoir pour autant le regarder. Elle était pourtant sure de son choix, mais le dire à voix haute à son meilleur ami donnait une dimension égoïste à ce choix. J’aurai pu te dire que c’était la septième année qui me prenait trop de temps, avec les ASPICS et tout ça… mais la vérité c’est que je ne m’y sens plus à ma place. »

Les interrogations s'enchaînèrent aussitôt qu'elle eut terminé son explication quelque peu bancale surement. Zane ne comprenait pas ce soudain revirement, et elle ne pouvait lui en vouloir. Il y a quelques année de cela, elle aussi ne l'aurait pas cru si on lui en avait fait la prédiction. Et pourtant, son esprit avait avancé depuis, et le fait était là, tel qu'elle l'avait exprimé. La véritable question n'était pas tant qu'elle n'aime ou plus le sport que tous deux avaient en commun, mais simplement qu'il ne lui correspondait plus autant qu'avant. Cependant, tournant la tête à son hésitation, elle eut une fraction de seconde de réflexion et compris ce qu'il sous entendait. Le fait qu'il ne soit plus vraiment présent à ses côtés... « Oh... Non, non... le rassura-t-elle tout aussi vite avant de penser qu'il pourrait l'interpréter dans le mauvais sens. Enfin... je ne sais pas. Je ne sais pas si j'aime plus ou si c'est juste une lassitude temporaire... Mais c'est en grande partie à cause de Kiriena. »

Le nom était posé. Les jumelles Storm, telles deux aimants se repoussant sans cesse mais n'arrivant pas à faire un pas sans l'assentiment verbal ou inconscient de l'autre. Leur voisin avait pu le constater plus d'une fois, surtout concernant Lidwine. « On a arrêté le jeu... murmura-t-elle comme complément d'explication. Ce fameux "on fait comme si" qu'elle n'avait jamais vraiment apprécié s'était terminé un peu avant Noël. Depuis, il arrivait qu'on les voient en compagnie l'une de l'autre. Et le fait était qu'il avait laissé de la place pour un sentiment plus apaisé, moins colérique. Elle aimait voler parce qu'elle exprimait tout ce qu'elle refoulait. A présent, elle n'avait plus rien à refouler, et commençait à vouloir extérioriser autrement. La serdaigle regardait ses pieds pour continuer, sans être interrompu par le regard qu’elle imaginait surpris, ou en colère. C'est elle qui l'a proposé, elle semblait prête. » Comme souvent, l'initiative était à la solaire. La lunaire, elle, acceptait, s'adaptait. Le quidditch en avait pâti indirectement. Bon, même si cela n'était pas la seule raison.

« Je sais », murmura-t-elle simplement en triturant ses doigts sans oser regarder Zane. Elle se sentait comme une gamine qu'on réprimande. Il venait une nouvelle fois de désapprouver ce jeu, ce qui faisait d’autant plus mal surement qu'ils ne s’étaient pas parlé depuis tellement de mois. Certes, il ne le lui avait jamais caché depuis que Kiriena l’avait instauré. Parce que c’était cela dans les faits. Kina avait inventé ce jeu et Lidwine ne s’y était jamais opposé. Pourquoi ? La peur de la contrarier peut-être au début, la culpabilité de ne pas vouloir des excuses de sa jumelle quand cette dernière avait tenté de recoller les morceaux entre elles, de ne pas arriver à lui pardonner par la suite. Surement aussi parce que ça lui facilitait les choses de ne pas avoir à faire semblant de l’apprécier face au monde. C’était facile. Bien plus que de passer outre le sentiment d’injustice qu'elle avait ressenti tellement souvent durant son enfance et qu'elle continuait de ressentir parce que Kina voulait et Kina obtenait. Oui, elle avait eu du mal à pardonner les frasques de sa jumelle, ce malgré les conseils de Damian.

Cela n’était évidemment pas totalement derrière elle, mais elle s’émancipait de ce besoin que les crises de Kina avait ancré en elle : celui de se démarquer, d’être différente. Ce n’était plus utile.

Néanmoins, elle ne put s’empêcher de noter également qu’il avait fait attention à ce que les rumeurs poudlariennes avait pu dire sur elle. C’était infime comme détail, mais cela prouvait qu’ils étaient encore lié, même de manière distendue.

C’est un regard surpris qui se releva aussitôt que la question fut posée. Elle avait le mérite d’être cash, la serdaigle se sentit une pointe vexée. Si elle avait été influencée… A vrai dire, toute sa vie avait été influencée par les gestes de sa jumelle, par les mots de celle-ci, par ses crises de “on est pas les mêmes !” Au contraire, pour une fois elle avait vraiment l’impression de prendre une décision parce qu’elle le désirait et non pas parce que ça la différencierait ou ne contrarierait pas Kina. « Non ! » s’exclama-t-elle aussitôt, un peu plus fort qu’elle ne l’aurait pensé. Elle se calma immédiatement pour le détromper plus clairement, alors que son regard se tournait à nouveau vers le sol. Pour lui expliquer ce qu’elle avait voulu exprimer quand elle avait mentionner l’autre Storm en fautive. « En fait c’est même plutôt le contraire… Bon, j’avoue lui avoir demandé son avis après avoir longuement réfléchit dans mon coin… Mais le jeu… il nous obligeait encore à être différentes, comme quand on était enfant et que Kiriena piquait ses crises… Maintenant qu’il est fini, j’ai plus la colère étouffée que j’avais depuis toujours… et que je prenais surement pour de la compétitivité. J’aime voler, mais je ne ressens plus le besoin de jouer au quidditch pour me démarquer de ma soeur… je sais pas si tu vois ce que je veux dire, c'est assez compliqué même dans ma tête… » Ses iris oscillait entre les pierres du chateau à leurs pieds, et ses yeux à lui. N'osant pas le regarder trop longtemps de peur d'y déchiffrer quelque chose. « Tu sais, quand tu m’a appris à voler et à jouer… tu m’as donné la possibilité d’être différente. Vraiment. D’être moi et seulement moi, sur un balai, dans les airs… Là où elle ne savait pas aller, n'arrivait pas à aller... ça me rendait unique. » Oh, bien sur cet aveu elle avait déjà du lui dire, mais peut-être pas avec ces mots et autant de trémolo dans la voix. Leur éloignement intensifiait son besoin de confession.

Plus elle s’expliquait sur sa décision, plus elle avait l’impression de s’enfoncer. De ne pas trouver les bons mots pour exprimer vraiment son ressenti. De tout dénaturer. Plus elle parlait, plus ça empirait… non ? C’est pourtant ce qu’elle ressentit à la remarque de son ami. Pour le coup, James avait été bien plus compréhensif quand elle le lui avait expliqué… Mais peut-être était-ce son don, ou parce qu’elle le lui avait dit avant… ou surement parce que leur amitié n’était pas en gravitation autour de cette activité commune. Une passion ? Savait-elle être passionnée ? Il ne lui semblait pas. Téméraire oui, curieuse et un peu revancharde. Ce qui l’avait grandement aidée à entrer dans l’équipe de Serdaigle et à faire ses armes sur le terrain. Mais était-ce une passion ?

« Bien sur que si j’aime ça ! Et c’est toujours le cas, s’exclama-t-elle pourtant sans une once d’hésitation, le regard décidé planté dans celui de son interlocuteur. Mais d’une manière différente… tempéra-t-elle aussitôt comme à son habitude. Les éclats de voix et les discours colériques, ce n’était pas elle. Elle ne savait pas faire. Même si la tirade de Zane l’avait blessé, elle ne répondait que très rarement par l’attaque et ce fut encore le cas à ce moment là. Je ne me vois pas continuer à être dans une équipe et faire de la compétition, ça ne me motive plus. Ses prunelles s’étaient à nouveau baissé. J’ai peut-être commencé aussi pour me différencier, et ça me permettait d’exulter certains sentiments mauvais. Elle releva la tête sans pour autant se mettre debout. Restant au sol alors qu’il était appuyé contre la rembarde. Par contre j’arrête pas pour lui ressembler, j’arrête parce que je veux garder le plaisir que j’ai à faire du quidditch, justement. En loisir, quand j’en ai envie et simplement envie. Sa voix se faisait pourtant plus forte, lentement. Pas parce qu’il le faut. Parce qu’a me forcer à faire des bons match, des longs entrainements… Je sens que je m’en dégouterai à la fin. Et ce serait pire que tout… »

Le ton de son ami se fit plus résigné lui sembla-t-il, quand il finit par énoncer la chance de l’équipe non-pro qui pourrait la récupèrerait. Entrainant, sans le savoir, de nouvelles questions dans la petite tête blonde. Voulait-elle tout de même continuer en ligue amateur ? A vrai dire, elle ne s’était même pas encore projeté si loin. La fin d’année qui finissait dans un peu moins de trois mois ainsi que le choix qui devrait se faire ensuite monopolisait toute son attention. Elle n’en dit rien à Zane, mais elle ne savait même pas si une équipe la récupèrerait. Elle opta pour le silence, afin de ne pas relancer le débat.

Toujours au pied de cet escalier désert, le poufsouffle revint se mettre à sa hauteur, à ses côtés. Mouvement plutôt anodin mais qui provoqua chez la jeune fille un sentiment de soulagement, comme s’il acceptait de rester malgré la trahison dans laquelle elle s’obstinait. Le silence se prolongea quelques secondes, la gêne revenant de plus belle. Comme s’ils ne se connaissaient plus vraiment. Huit mois, c’est long dans une amitié. Huit mois d’université et de septième année. Huit mois intense pour eux deux. Zane arriva surement à cette conclusion plus vite qu’elle et lui demanda comment l’année se passait… C’était étrange que cette question arrive seulement en Mars. Répondre des banalités ? Les cours, les devoirs, les examens, les études supérieures à choisir… Lui avait vécu tout cela l’année précédente. « Tu me manques… souffla-t-elle pour toute réponse, le regard vers le sol froid du château. Oui, ce n'était surement pas ce à quoi il faisait référence en lui demandant cela. Si l’endroit avait été plus bruyant, nul doute que la confession serait passée inaperçue. Cependant, elle résonna aux oreilles de Line avait qu’elle n’ai eu le temps de le calculer. Avant qu’il ne puisse rebondir dessus, elle précisa, pour noyer le poisson. Nos discussions, nos entraînements… C’est comment, le cursus de Quidditch ? »

Espérer qu’il ne chercherait pas plus loin, qu’il lui parlerait Quidditch, comment il s’entrainait, à quoi ressemblait les cours… Pour que tout cela lui fasse moins peur.

Le voir ainsi parler avec passion de ses cours tira un sourire heureux sur les lèvres de la blondinette. C’était fort propablement ça qui lui manquait pour aimer le quidditch pleinement. Le voir ainsi, vanter les entrainements à n’en plus finir lui fit un pincement au coeur, mais elle était contente qu’il s’épanouisse dans cette son choix d’orientation. Saurait-elle en faire autant, l’année prochaine ? Déjà au pied des portes de l’université, et elle n’avait fichtrement aucune idée de ce qu’elle voudrait faire de sa vie. Même avant… tout ça… elle n’avait jamais cru serieusement être destinée à une carrière professionnelle malgré les dires de ses meilleurs amis. Elle laissait s’insinuer l’idée, et se laissait souvent entrainer dans l’euphorie des autres, mais la part raisonnée de son être la ramenait toujours à ce point là. Elle n’avait pas les épaules pour supporter la pression de ce milieu. Bien loin encore de comprendre qu’elle avait sauté sur la première occasion pour laisser la rassurante raison prendre le dessus sur ses décisions, Lidwine constata seulement qu’elle était presque jalouse de cette volonté de fer dont savait faire preuve Zane. Depuis toujours, il en avait eu pour deux.


Avait-elle tout gaché avec ce baiser, cet été ? S’ils en étaient là, du point de vue de la serdaigle, c’est qu’elle avait fait cette bêtise plusieurs mois plus tôt… Jamais elle n’aurait du. Voilà les conséquences... comment se faire confiance alors que c’était l’une des rares fois où elle n’avait pas écouté sa raison. Elle n’avait pas su s’expliquer, ils n’en avait pas parlé. La situation s’était cristallisée et son comparse n’avait pas cherché à en savoir plus non plus. Loin de lui en vouloir pour ça, son caractère était bien plus dans l’autoflagélation. Elle s’en voulait tellement… Alors que cette pensée récurrente effleurait son esprit, il reprit la parole pour noter la stricte vérité : elle s’était exclue seule de cela. Il n’en fallut guère plus pour faire monter les larmes à ses yeux. Une inspiration plus forte que la précédente l’aida à garder le contrôle pour un temps… Quelques secondes ? Vingt tout au plus. Juste le temps d’essayer de répondre à sa question… Pas facile quand la gorge est nouée par les sanglots naissant qu’on tente de museler. « Aucune… Un tout petit mot, et une larme qui s’échappe. Rien… Rien ne… Elle deglutit, et inspire à nouveau. Non, elle n’allait pas craquer, pour qui la prendrait-il ? Une girouette ? Une pleurnicheuse ? Bon… certes ce n’était pas la première fois qu’il la voyait en pleurs, mais c’était bien plus souvent la faute de Kina que d’une simple question sur son avenir. Je suis perdue… » renifla-t-elle, retenant au maximum l’émotion qui serrait sa poitrine.

Qu’il le veuille ou non, elle ne put se retenir plus longtemps alors que le ton de Zane s’était fait plus doux, la reconfortant déjà. C’était comme un feu vert, une marque de confiance qui lui permettait de lâcher les vannes même si ce n’était pas ce qu’il disait. Et paradoxalement, il y avait également encore plus de culpabilité dans les sanglots à présent bien installés de la jeune fille. Elle non plus n’avait pas voulu pleurer, et elle se sentait d’autant plus faible, face à lui si droit et intransigeant. « Par… Pardon », articula Lidwine difficilement, d’une toute petite voix. Elle aurait voulu être forte, mais elle prenait toujours tout trop à coeur pour contrôler pleinement ses sautes d’émotions.

Comme une gamine, elle ramena ses mains à son visage et laissa couler les larmes quelques minutes alors qu’il restait là à la consoler comme il savait le faire. Quelques murmures pour la calmer, une étreinte puissante mais chaleureuse, son odeur rassurante… Encore que cela, il ne le savait peut-être pas. Même elle n’avait pas conscience à quel point la presence du poufsouffle lui était indispensable. Enfin, les tremblements se calmèrent, de même que les signes auditifs de ses pleurs. Le reniflement typique de l’après crise se fit tout de même entendre… Autant vous dire qu’il y avait eu plus glamour que ça. « Pardon… reitéra-t-elle d’une toute petite voix, sans oser le regarder. Ses yeux étaient totalement rougis, et encore bien trop humide. Puis elle avait peur, encore une fois, de ce qu’elle pourrait voir dans ses yeux alors qu’elle comptait crever l’abcès. Pardon… pour ce jour là. Je sais pas pourquoi… C’était idiot. J’aurai pas du… je veux dire j’aurai pas du te l’imposer, se reprit-elle aussitôt. Je suis désolé si tout ça t’as gêné ou dérangé… Je sais pas ce qui m’a pris… et après j’ai eu peur… J’ai déconné… j’ai tout cassé… » un nouveau sanglot ponctua sa confession totalement décousue, comme à chaque fois qu’elle devait se livrer. Elle remonta ses mains à son visage et se pencha en avant, vers ses genoux, honteuse et triste.

Au moins, elle avait tenté d’exposer maladroitement le coeur du problème, celui qui les avait éloigné l’un de l’autre. Mais contrairement à ce qu’elle avait cru, l’exprimer à voix haute ne la fit pas se sentir mieux sur le moment. Au contraire, d’autres sentiments venaient se mêler au malaise. Honte. Nervosité. Anxiété. Angoisse. Angoisse de savoir enfin ce qu’il en pense. Vouloir savoir, et vouloir qu’il se taise. Qu’ils oublient, tous les deux… Revenir en arrière, revenir à “avant”. Et étrangement ne pas regretter non plus. Avoir trouvé ça… logique. Naturel. Et bizarre. Perdue, c’était bien le mot qui la définissait au mieux à cet instant même, au delà de son orientation universitaire !

Les mains toujours sur son visage, et le nez dans ses genoux, elle écouta pourtant ce qu’il avait à dire sur le sujet. La serdaigle en elle le savait bien, ils devaient en parler. Au moins pour repartir sur des bases à peu près propres, à défaut d’être solides ou “comme avant”. Il fallait qu’elle l’entende le dire. Il fallait qu’il le dise, que c’était stupide. Un sourire triste se marqua sur ses lèvres alors même qu’il ne pouvait les voir. Gâcher leur amitié ? Il semblait que ces derniers mois lui donne raison avant même qu’ils ne pensent tous les deux à aller plus loin que ce simple baiser. Elle avait pris la décision de tout gâcher, pourtant déjà pleine de doutes à ce sujet. Quel beau résultat…

Elle garda le silence. Une seconde. Deux. Dix. Elle reprenait contenance. Ou du moins essayait. Il venait de confirmer l’absurdité de cet égarement. Il venait également de lui dire qu’il ne lui en voulait pas. Elle aurait du s’en réjouir, n’est-ce pas ? Certes, elle se sentait légèrement soulagée… mais déçue. Pourquoi ? Ne pas vouloir voir cette réponse. Se recomposer un visage à peu près calme, puisque effacer sa crise de larmes n’était pas encore totalement possible. Vingt secondes. Vingt-cinq. « Merci. » Un petit mot, totalement vide de sens à l’instant présent, mais qui venait instinctivement. Respirer profondément. Se redresser, laisser tomber ses mains, lui faire un petit sourire. Il avait raison. Il ne fallait pas gâcher leur amitié, ou ce qu’il en restait. Elle devait partir, et revenir quand elle aurait repris des forces. « Tu as raison… oui. Elle se leva, essuya ses dernières larmes. Elle devait y aller. Avant de refondre en larmes. Les filles doivent m’attendre... Je... Excuse bidon, évidemment. On se voit plus tard ? » Ne pas le laisser croire qu'elle le fuyait à nouveau. Ce n'était pas ce qu'elle faisait. Il lui fallait juste un peu de temps.

Et sans lui laisser vraiment le temps d’en dire plus ou de la retenir, elle reprit ses affaires et s’engouffra dans le couloir le plus proche. Vous avez dit pathétique ?